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La Chimère

Texte écrit dans le cadre d’un concours sur un forum SFFF. Nous devions écrire une nouvelle comportant les mots « Chimère », « globe » et « patience ».

 

La Chimère

 

La Chimère attendait patiemment, suspendu au plafond de la salle par des gants et bottes spéciaux, garnis d’une substance empruntée aux geckos. Il émit une sorte de petit cliquetis, qui se répercuta dans la pièce. Ses oreilles, améliorées par de l’ADN de chauve-souris, captèrent les rebonds des ondes sonores sur les parois et les meubles de l’endroit. Utilisant sa vision nocturne de chat et son agilité de singe, le guerrier progressa lentement le long du plafond, jusqu’à atteindre l’encoignure d’une porte. Là, il se laissa tomber souplement au sol, devant le boîtier qui commandait l’ouverture du sas. Il tira un câble fiché dans la prise neurale au bas de son cou et le connecta à la serrure électronique. Il activa ensuite l’un des logiciels de piratages que son cerveau boosté aux nanomachines hébergeait. Il craqua rapidement le code. Le battant s’ouvrit avec un chuintement discret. Il se coula dans la pièce suivante et se plaqua contre un mur, la combinaison caméléon dont il était revêtu se chargeant de le camoufler. Il attendit. La patience était mère de vertu. Surtout, ne pas se précipiter.

Il détailla la pièce autour de lui. Il se trouvait dans un couloir qui s’incurvait vers la droite. Malgré le sas et la serrure magnétique dernier cri, il était meublé dans un style antique : commodes ouvragées, meubles lambrissés, délicates statues de porcelaines, tapisseries florales recouvrant les murs. La Chimère serra les dents. Il n’était pas dupe. Ce luxe servait à camoufler les systèmes de sécurité hors pair qui gardaient la salle principale du consulat de la Nouvelle République Saharienne. Au cours des ans, les diplomates avaient amassé ces richesses, à la fois pour montrer le pouvoir de leur nation, mais aussi pour dissimuler élégamment un arsenal destiné à garantir leur sûreté, ainsi que celle de leur plus précieux trésor : le Globe.

Le mercenaire commençait à trouver le temps long, lorsqu’un mouvement titilla ses sens surdéveloppés. Vêtus de combinaisons énergétiques, des lunettes infrarouges visées sur le nez, un étourdisseur au poing, deux gardes débouchèrent du fond du couloir. Ils avançaient en silence, les claquements de leurs bottes masqués par un inhibiteur de bruit. Dans sa jeunesse, le guerrier aurait fondu sur eux pour les tuer le plus rapidement possible. Les années lui avaient appris qu’attendre pouvait se révéler bénéfique. Il les laissa arriver jusqu’à sa hauteur. L’un d’eux tendit la main vers la serrure pour taper le code. La Chimère frappa, vif comme un serpent, brutal comme un tigre, avant de se figer à nouveau dans l’immobilité la plus complète. Les gardes tombèrent sans un son et ne virent jamais leur agresseur. Pourtant, ils auraient peut-être été honorés de savoir qu’ils mouraient de la main de la redoutable Chimère, guerrier renommé, tellement modifié génétiquement et augmenté mécaniquement, qu’il n’avait presque plus rien d’humain et avait choisi comme emblème cette créature mythologique, hybride et monstrueuse comme lui.

Il attendit silencieusement, vérifiant qu’il n’avait déclenché aucun système d’alarme. Fort heureusement, sa combinaison caméléon le dissimulait totalement aux détecteurs infrarouges et de mouvements. Avec précaution, il fouilla les gardes, prélevant sur l’un d’eux une clé magnétique qui lui permettrait d’ouvrir la salle où se trouvait le Globe.

Lentement, longeant le plus possible les murs, il remonta le couloir, jusqu’à atteindre une porte blindée, verrouillée par un dispositif complexe. La Chimère releva les lunettes qui lui dissimulaient le visage et appliqua son œil droit sur une cellule de reconnaissance. Son commanditaire avait dit vrai. L’œil artificiel qu’il lui avait fait greffer avant la mission dupa parfaitement le détecteur. Le guerrier n’eut plus qu’à utiliser la clé subtilisée au garde et à entrer les codes acquis à prix d’or par son employeur.

La porte s’ouvrit, dévoilant une salle parfaitement ronde, aux murs lisses, le sol dallé de noir. Au centre de la pièce, trônait sur un piédestal une sphère, taillée dans une matière ressemblant à du verre, qui luisait d’une douce lumière bleutée. Le Globe… Découvert par les pouilleux de la Nouvelle République Saharienne dans ce qui restait de l’antique désert. Identifié par les savants comme une relique d’une civilisation extraterrestre qui avait colonisé la Terre alors que les humains se battaient encore à quatre pattes pour un bout de viande. Le Globe, censé renfermer une carte de la galaxie. Le Graal pour les astrogateurs. Un artefact pour lequel des gens se montraient prêts à payer très cher.

Malgré son cœur endurci de mercenaire, il ne put s’empêcher d’être touché par la beauté de l’objet, par ses ondoiements azur. Il faillit tendre la main et avancer. Il se retint. Prudence et patience, voyons ! Il tira de l’une des poches de sa combinaison une bille de métal, un leurre destiné à tromper les systèmes de sécurité. Il la pressa pour l’activer et la fit rouler. Un jet de lumière la frappa avant qu’elle ait eu le temps d’atteindre le centre de la pièce. La Chimère repéra d’où le tir était venu. Il attrapa dans son paquetage une petite bombe à impulsions électromagnétiques. Grâce à sa vue d’aigle et à ses réflexes surhumains, il lança la charge, qui se colla sous le boîtier de contrôle. Puis, il referma vite le sas, après tout, il était lui aussi truffé d’électronique, à qui ce genre de joujou ne ferait pas de bien. Il consulta son horloge interne, attendit le nombre de secondes nécessaires, puis rouvrit la porte. Rapidement, il se dirigea vers le globe, le saisit et le fourra dans l’une des sacoches de sa ceinture. Jusque-là, il avait dû faire preuve de patience, maintenant, il était temps de filer.

Son employeur lui avait fourni les plans du consulat, notamment ceux des circuits d’évacuations. Furtif comme un renard, la Chimère se glissa dans un tuyau alors que les premiers gardes, alertés par l’EMP, déboulaient. La suite se déroula comme prévu, selon la stratégie établie avec minutie. Tandis qu’il débouchait enfin à l’air libre à l’extérieur de la propriété, le mercenaire songea que la patience avait du bon. Jeune, il n’aurait jamais pu passer tout ce temps à préparer le moindre détail de son expédition, attendre le bon moment pour sortir, frapper. Il se serait précipité droit dans la gueule du loup. Heureusement qu’il avait mûri.

Il s’autorisa un sourire satisfait et se mit en route, pressé de délivrer son butin à son commanditaire et d’empocher la somme rondelette qui lui était promise. Une violente douleur lui traversa soudainement le torse. Le guerrier baissa les yeux pour découvrir un trou béant dans son ventre. Un tir d’éclateur, pensa-t-il avec un étrange détachement. Il tomba au sol et une silhouette s’approcha de lui, récupérant le précieux artefact dans sa ceinture. La Chimère comprit alors. La relique attirait les convoitises, il n’était pas seul sur le coup. Et apparemment, l’un de ses concurrents avait jugé que l’attendre et lui subtiliser le Globe se révélerait la solution la plus directe. Alors qu’il mourait, la Chimère songea qu’il ne pouvait lui donner tort.

1 commentaire pour “La Chimère”

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