Ceux du mercure, 9. Petit manuel à l’usage des distraits

Bonjour à tous et bienvenue dans ce manuel du maniement des armes à l’usage des distraits. Si vous lisez ce papier, il est probable que vous regardiez voler les mouches durant les cours de présentation ou que vous êtes dotés d’une mémoire digne d’un poisson rouge. Enfin bref, ce rappel sans prétention servira à vous remettre les idées en place.

Commençons par les munitions. Vous ne l’ignorez pas (ou du moins, je l’espère vivement), nos balles sont munies d’une tête creuse qui contient une goutte de mercure. À l’impact, la tête explose. Outre la douleur de la blessure, l’Abomination que vous avez touchée (vous l’avez forcément touchée, car vous êtes assidus aux entraînements de tirs), l’Abomination, disais-je donc, sera en plus brûlée par le métal liquide.

Attention, le mercure reste un produit coûteux, issu du raffinement du cinabre des montagnes du nord (ceux curieux d’en savoir plus sur le procédé peuvent s’adresser à la caserne nord). Outre son prix, les médecins, mademoiselle Bouquet la première, m’ont alerté sur une potentielle dangerosité de ce métal. En résumé, mes bons amis, évitez au maximum son contact. Contentez-vous de l’envoyer sur les Abominations. Le docteur Bouquet me signifie également que toute personne qu’elle surprendra en train de s’amuser avec du mercure subira un traitement de sa conception, impliquant entre autres une poire à lavement.

Les balles viennent en différents calibres, du plus au moins gros, en fonction de l’arme utilisée. Je suis sûr que vous connaissez par cœur tous les modèles de revolvers et fusils des brigades. Je suis persuadé que vous tenez tant à éblouir votre capitaine que vous êtes capables de démonter puis remonter une carabine de précision les yeux fermés. Il va sans dire que vous entretenez avec régularité votre matériel.

Dans le cas contraire (simple hypothèse, car je sais combien vous êtes des mercuriens exceptionnels, pointilleux et soucieux du devoir bien accompli) comprenez juste que je me verrai au regret de dénoncer les coupables de dégradations à l’armurier, ainsi qu’à Ripley (notre cher androïde aime ses jouets en état de marche et ne prise guère ceux qui les détériorent).

Je ne m’attarderai pas sur le maniement des armes proprement dites, vous êtes tous des gens responsables et expérimentés (un peu trop pour certains d’entre vous, mais ceci est une autre histoire). Au vu de certains événements, je me permets tout de même d’énumérer les règles élémentaires de sécurité. Les amis du tireur sont priés de se tenir derrière lui et pas devant. Le tireur est censé faire feu devant lui et non derrière (s’il souffre de problèmes de visée, ce dont je doute car vous êtes tous des recrues émérites, le stand de tir est ouvert pour exercice). Dernier point, ne laissez pas vos doigts entre le fusil et le percuteur, s’il vous plaît, mademoiselle Bouquet a mieux à faire que soigner vos bobos.

Je rappelle néanmoins à tous que les entraînements ont lieu les martiors et les joviors, à partir de huit heures du matin. Tout retard sera sanctionné d’une série de pompes. Toute absence non justifiée sera sanctionnée par Ripley (l’excuse « un Amorphe a dévoré ma mère » n’est pas valable si la génitrice en question est décédée depuis des années).

J’ai reçu plusieurs pétitions concernant l’emploi d’un arsenal plus conséquent (comprenez au calibre plus élevé). Après une grande discussion avec notre cher ami La Gâchette, il a été convenu que l’utilisation des mitrailleuses, explosifs et autres canons de montagne ferait d’abord l’objet d’une investigation au cours de laquelle nous vérifierons le passé du demandeur. Vous devrez en outre fournir un certificat de bonne santé mentale et physique, délivré par un médecin (non, un vétérinaire, même assermenté, ne peut vous établir ce genre de papier).

L’administration réservera l’usage de telles armes à des cas bien particuliers qui, je l’espère, ne se présenteront jamais (nous souhaitons tous, oui je dis bien tous, ne jamais avoir à vaporiser un mur pour stopper la charge d’une classe cinq).

Au sujet de l’emploi des armes hors de la caserne, je rappelle qu’il est uniquement autorisé lors des patrouilles et interventions. Les autres cas peuvent se résumer de la manière suivante : un « non » franc et définitif. Tout contrevenant sera sévèrement puni et, pour la peine, se verra convié à un entraînement privé que je superviserai en personne.

J’espère que vous garderez bien en tête ces recommandations, je me permets d’en ajouter une dernière. Je tiens à ce que vous rentriez tous de patrouille et d’intervention en un seul morceau. Là aussi, les contrevenants auront affaire à moi. Tenez-vous-le pour dit, restez attentifs et n’oubliez pas qu’une bonne Abomination est une Abomination à terre et criblée de balles au mercure.

Signé : Le capitaine Rocheclaire

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