Habiller ses personnages façon XIXe, c’est chouette. Les déshabiller façon XIXe, c’est encore mieux. Parce qu’on ne sait pas toujours ce qui se cache sous les toilettes et volumineuses robes, voici une série d’articles retraçant l’évolution des dessous au XIXe. Pour des raisons de clarté et de simplicité, j’ai conservé le même découpage que pour mes articles « La mode au XIXe ».
Nous abordons aujourd’hui la période des tournures. Petite remise en mémoire pour les distraits. Dans les années 1870, les robes vont s’affiner, la tournure apparaît, qui rejette le volume des robes vers l’arrière, tandis que les hauts se font plus moulants.
Côté dessous, on garde l’éternelle chemise portée à même le corps, et le port du pantalon commence à se développer, notamment chez les femmes pratiquant l’équitation (pour des raisons évidentes d’hygiène et de décence).
Par-dessus cette chemise et ce pantalon, les femmes portent bien évidemment le corset. Plus que jamais, il est une pièce maîtresse de la garde-robe. Vu que les corsages des robes sont plus moulants, le corset s’étire, il gaine les hanches, affine la taille et relève la poitrine.
Il s’agit désormais d’une pièce complexe, formée de plusieurs pans de tissu (jusqu’à une douzaine de pièces). Il est fortement baleiné, car le corset doit redessiner le corps féminin. Le « busc », la pièce de métal centrale du corset sur le devant, s’épaissit et adopte même une forme de cuillère, qui permet de creuser l’estomac. Contrairement au reste du XIXe siècle, fabriquer soi-même son corset devient compliqué, c’est pourquoi on voit fleurir un peu partout des ateliers de lingerie et des corsetières.
Les femmes changent souvent de tenue et possèdent des robes pour chaque heure du jour et chaque activité (robes du matin, du soir, robe pour recevoir pour le thé, robe de promenade). Les corsets suivent cette tendance et s’adaptent : on trouve des corsets du matin, des corsets d’allaitement, des corsets pour petites filles…
Quelques fois s’élèvent contre le port du corset, notamment du côté des médecins hygiénistes, mais ces protestations restent marginales et la majorité des femmes portent le corset.
Autre nouveauté pour la période : le développement de la prostitution et avec lui, des photos de charme. Les dessous deviennent affriolants, ornés de rubans et dentelles et plus volontiers colorés. Les corsets sont plus volontiers taillés dans des matières nobles : soie, satin…
L’une des spécificités de cette période est la tournure : volumineuse jupe qui forme des plis à l’arrière de la robe. Obtenir ce volume requiert un certain métrage de tissu, mais aussi bon nombre d’artifices, qui s’ajoutent aux habituels dessous féminins. On distingue trois types de renforts pour les tournures :
— Queue d’écrevisse : c’est une structure composée de demi-cercles métalliques, placés dans du tissu, qui créent le volume à l’arrière. Elle descend jusqu’aux pieds. On l’attache en la nouant à la taille. Certains modèles possèdent un système de serrage de la queue d’écrevisse en elle-même, qui permet de donner plus ou moins de bombé aux arcs de cercle, et donc plus ou moins d’ampleur à la tournure.
— Faux cul : même principe que la queue d’écrevisse, des arceaux métalliques qui donnent du volume, mais le volume est limité aux fesses. Le faux cul se nouait à la taille, avec quelquefois des accroches pour pouvoir l’attacher directement au corset.
Tournure en strapontin : type de faux-cul qui forme une capote articulée, qui peut se replier sur elle-même.
— Coussin de taille : coussin rembourré, noué au bas du dos. Il est relativement simple à faire, on peut le coudre à la maison. Le coussin de taille est plutôt porté avec des robes légères, dans des occasions informelles, car il donne moins de volume qu’un faux-cul ou une queue d’écrevisse. Parfois, l’un de ces deux dispositifs est associé à un coussin de taille pour donner le maximum de volume à la tournure.
Par-dessus tout cet attirail, les femmes rajoutent en général un jupon, bouffant vers l’arrière pour conserver le volume de la tournure.
Et pour ceux qui voudraient aller plus loin, allez jeter un coup d’oeil à la bibliographie
– Corset and Crinolines, Nora Vaugh
– La mécanique des dessous, Denis Bruna
Très intéressant
Merci pour les photos et la qualité de l’écriture
Agnès