1er roman de Daniel Polansky, « Le baiser du rasoir » est un ouvrage de fantasy, dans un contexte urbain très typé XVI/XVIIème siècle, publié aux éditions Bragelonne. Cet éditeur a d’ailleurs fait pas mal de publicité pour ce roman, qui a notamment été inclus dans son opération « ebooks à moins de 1€ ».
Récit à la première personne, « Le baiser du rasoir » suit les pas de Prévôt, ancien enquêteur de la couronne devenu petite frappe et vendeur de drogues en tout genre dans le quartier de basse-fosse. Quand une enfant disparaît, puis une deuxième et que ses anciens collègues commencent à le soupçonner, Prévôt décide de mener l’enquête pour découvrir qui est derrière ces morts.
Vous l’aurez compris, ce roman est une histoire policière, dans un contexte fantasy. A ce titre, les principaux « codes » du roman policier sont assez bien respectés. Peut-être un peu trop parfois à mon goût, vu que je n’ai pas été très surprise par le déroulement de l’intrigue et que j’ai pu prévoir les « passages obligés » (le 1er suspect qui se révèle ne pas être le vrai coupable, l’ami qui annonce qu’il a des informations, qui donne un rendez-vous, mais qui se fait zigouiller avant d’avoir pu communiquer lesdites informations, la course-poursuite et le passage à tabac de l’enquêteur par les sbires d’un personnage particulièrement antipathique).
La fin m’a également un peu déçue, car je l’ai trouvé trop peu amenée par des indices en amont de l’histoire, et trop rapidement expédiée.
On a droit à une narration à la première personne assez efficace, qui permet de bien s’attacher au personnage principal. Prévôt est un ancien gamin des rues, plus ou moins recueilli par l’un des magiciens de la ville qui l’aide à s’en sortir. Il a environ 35 ans, mais a déjà beaucoup vécu : il a connu une épidémie de peste, la guerre et toutes ses horreurs, il a été enquêteur, a connu la déchéance.
C’est un homme un brin aigri, accroc au souffle de farfadet et autres drogues qu’il vend, violent, implacable avec ses ennemis, mais qui conserve une certaine droiture et une loyauté envers ceux qu’il aime, qu’il cache bien sous des dehors bourrus. C’est un personnage assez classique d’antihéros au grand cœur, que j’ai somme toute trouvé bien développé et bien écrit.
Son passé comporte, à la fin du roman, un certain nombre de zones d’ombres (notamment la raison pour laquelle il a été exclu du corps des enquêteurs), j’espère donc que si M. Polansky écrit une suite, il explorera ce passé.
Pour accompagner Prévôt, Daniel Polansky a développé une galerie de personnages assez imagés et bien campés. En quelques lignes, il parvient à leur donner vie, nous permet de nous les représenter physiquement.
Côté écriture, c’est assez fluide et imagé. L’un des avantages de la narration à la première personne est qu’elle permet une écriture vivante, avantage bien exploité ici. Par contre, certains détails m’ont un peu chiffonnés, notamment l’emploi d’un vocabulaire moderne dans un contexte fantasy renaissance (ex : steak, no man’s land, se défoncer avec un joint).
Là où « le baiser du rasoir » est vraiment un roman intéressant, c’est avec l’univers. La majorité de l’action (mis à part quelques flashes back) se déroule dans la ville de Rigus et plus précisément dans le quartier de Basse Fosse. C’est là que vivent les pauvres, les miséreux, tous les laissés pour compte. C’est un univers sombre, misérable, violent et sanglant. On imagine parfaitement les rues tortueuses peuplées de catins et de voleurs à la tire, les règlements de compte entre les bandes et surtout, la misère et la crasse omniprésentes. Basse Fosse est peuplée par différentes populations plus ou moins bien intégrées, avec chacune leurs coutumes, leurs habitudes… La magie est présente, mais de manière subtile. Les habitants de Basse Fosse savant qu’elle existe, mais pour la plupart, il n’y aurait jamais affaire de leur vie. Le reste de la ville est peu décrit, mis à part quelques grands palais de la noblesse (que n’aurait pas renié une certaine princesse autrichienne), c’est un peu dommage, mais je pense que l’auteur se réserve une visite des autres quartiers de Rigus pour un prochain roman. De même, le système de gouvernement est plus évoqué qu’exploré, parce qu’il est vu par les yeux des habitants de Basse Fosse qui n’ont que peu de contact avec les grands de ce monde.
En résumé, malgré une intrigue un peu trop prévisible, une lecture agréable, servie par une écriture efficace, un bon personnage central, qu’on a plaisir à suivre, un univers original et vivant loin des clichés habituels du genre. J’ai suivi avec plaisir les aventures de Prévôt, et je suivrais sûrement ses prochaines péripéties.