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Fringues en fantasy – Tissus et teintures

Cette série d’articles est née de discussions avec des amis écrivains, qui me taquinaient sur ma passion des vêtements, et notamment de la mode victorienne. C’est quelque chose auquel je suis très sensible, qui se retrouve dans mes écrits mais aussi dans mes commentaires quand je fais des bêtas lectures (Andréa Deslacs, pour son cycle Heaven Forest , peut en témoigner…)

Sans aller jusqu’à tout décrire et faire preuve de la même maniaquerie que moi, il est bon de s’y connaître un peu sur les vêtements, notamment quand on écrit de la fantasy et du steampunk.

 

Pourquoi ?

 

D’abord, pour éviter de dire des bêtises. Si, si, ça aide.

 

Ensuite, pour donner un peu plus de crédibilité à l’univers développé. Parce que les vêtements sont une part importante de la vie quotidienne et que c’est un moyen assez aisé de donner une identité particulière à une peuplade ou à une race.

 

De plus, connaître la mode d’une époque, d’un pays, ou inventer un style vestimentaire, permet de diversifier les descriptions. Cela évite de se retrouver pour chaque personne à dire : « elle portait une robe » ou « il portait une chemise ». Croyez-moi, cela rendra votre chasse aux répétitions moins compliquée, et vos descriptions plus vivantes.

 

Je commencerai par vous parler un peu de la base : à savoir les tissus et comment on les teint, avant d’aborder différentes époques, pour vous donner les grandes thématiques : un parfum d’antiquité, atmosphère médiéval-fantastique, ambiance de cour, de cape et d’épée, et un peu de steampunk.

 

 

 

 

 

 

 

Petit glossaire des tissus

 

Un tissu, comme son nom l’indique, est une étoffe issue de fibres tissées. Au travers des âges, les hommes ont développé nombre de matières ; je vais aborder avec vous les principales.

 

Commençons par voir ceux qui vous intéresseront le plus si vous écrivez de la fantasy : les tissus provenant de fibres naturelles.

 

— Le lin

 

Le lin est une plante assez commune en Europe. Le tissu vient des fibres de la tige.

Le lin est très ancien, les Égyptiens l’utilisaient déjà. C’est le tissu principal au Moyen-âge et il restera très utilisé jusqu’au XIXe siècle, avant d’être supplanté par le coton.

 

Le lin est très résistant, très absorbant et il sèche rapidement (plus vite que le coton).

En fonction du tissage, il peut être plus ou moins grossier, et plus ou moins épais.

 

Les tissus de lin (histoire d’avoir un peu de vocabulaire) : toile, baptiste (lin très fin, les classes aisées l’utilisaient beaucoup pour leurs dessous), percale, nid d’abeille, gaze ou jersey.

 

 

— La laine

 

La laine provient de la tonte du mouton, elle est ensuite filée et tissée. Comme le lin, la laine est un tissu très ancien, utilisé plusieurs millénaires av. J.-C. En Europe, son utilisation explose à partir du Xe siècle.

 

La laine est un tissu très agréable à porter, car elle maintient la température corporelle, qu’il fasse chaud ou froid. Cela peut-être surprenant pour l’époque moderne, vu qu’on connait plus la laine comme vêtement d’hiver, mais finement tissée, elle est agréable à porter en été aussi. 

Elle sèche vite et ne garde pas les odeurs. La laine se teint aisément. Elle a néanmoins tendance à rétrécir si on la chauffe trop. Comparé au coton ou au lin, cela reste une matière chère.

 

Les tissus de laine : le drap de laine, la laine bouillie, l’étamine de laine (un tissu très fin, qui peut du coup être porté en été).

 

Il existe d’autres tissus de laine ne provenant pas du mouton : l’alpaga (lama), le mohair (chèvre angora), le cachemire (chèvre de l’Himalaya), l’angora (poil de lapin angora).

 

 

Note : Si vous ne devez retenir que deux tissus, ce sont ceux-là. La laine et le lin étaient les tissus de base de l’habillement, grosso modo de l’antiquité jusqu’au XVIIIe siècle. Voilà, vous êtes prévenus, vous allez les retrouver un peu partout.

 

 

— Le coton

 

Il est issu de la fleur du cotonnier, qu’on récolte et qu’on file, avant de le tisser ou de le tricoter en mailles. En Europe, le coton fait son apparition en Europe au XVIIe. Jusqu’au XVIIIe, il vient principalement d’Asie. Par la suite, la production explose aux Amériques.

Le coton se développe vraiment au XIXe, notamment en raison des nouvelles tisseuses et fileuses industrielles.

 

Il peut facilement être blanchi et bouilli (ce qui en fait un tissu aisé à entretenir). Il tient bien la couleur et les teintures, mais il est moins isolant que la laine ou le lin, il sèche moins vite et peut rétrécir au lavage.

 

Les tissus de coton : calicot (tissu assez rigide, notamment employé pour réaliser des banderoles), chintz (coton robuste à l’aspect glacé), toile de Jouy (coton rigide imprimé, très populaire au XVIIIe), gabardine (coton imperméable, inventé par Burberry en 1888), mousseline, organdi et organza (cotons très léger).

Le denim (le tissu du jean) est popularisé à la fin du XIXe.

 

 

 

— La soie

 

Issue du cocon du ver à soie, cette étoffe vient de Chine et est arrivée en Europe par l’intermédiaire des marchands byzantins. La soie est un tissu brillant, très agréable à porter, car elle maintient la température du corps. Mais, elle est très fragile et compliquée à produire, donc elle coûte cher.

 

Note : retenez bien ceci, habits de soie = habits de nobles

 

 

— Les autres fibres végétales

 

La jute, le coco, le chanvre, l’ortie. Oui, oui, tout ça peut se tisser et faire des vêtements. Et libre à vous, sur ce principe, d’inventer vos propres plantes pour votre monde fantasy.

 

 

Les teintures

 

La couleur, c’est extrêmement important. Certains diront peut-être que la couleur dans les vêtements, c’est la vie et la joie. La personne à la garde-robe monochrome que je suis (ou gothique, si vous préférez) vous dira que, oui, mais surtout, la couleur revêt une importance sociale.

 

La teinte plus ou moins vive d’un vêtement en disait beaucoup sur la richesse d’une personne ou son statut social. Teindre une étoffe dans une couleur vibrante demande beaucoup de teinture et donc coûte plus cher. Eh oui, avant l’invention des marques, la distinction entre pauvres et riches se faisait sur la qualité du tissu et sur l’intensité de la couleur.

 

La symbolique liée aux couleurs a beaucoup varié au cours des siècles. Dans l’antiquité, le rouge était une couleur qui marquait l’importance d’une personne, alors que le bleu n’était pas bien considéré. Au Moyen-Âge, on habillait les prostituées de rouge tandis que le bleu était la couleur des rois. Certaines couleurs étaient réservées à des professions ou des catégories (Ex. Le jaune pour les juifs au Moyen-Âge).

Si le sujet vous intéresse, je vous conseille l’ouvrage Le petit livre des couleurs, de Michel Pastoureau et Dominique Simonnet. Il est court, pas cher, et vous donnera l’essentiel à savoir sur la symbolique des couleurs.

 

Mais revenons donc à nos teintures. Avant qu’on ne trouve les paquets de Dylon et autres teintures en supermarché, nos ancêtres utilisaient principalement des plantes. Petit tour d’horizon.

 

 

Pour obtenir des teintes bleues

 

La maurelle : plante connue depuis le Moyen-Âge, elle donne des teintes bleues à violettes.

 

La guède (ou pastel des teinturiers) : la plante est utilisée dès l’antiquité et au Moyen-Âge, avant d’être supplantée par l’indigo.

 

L’indigo : la plante est connue depuis l’antiquité et utilisée au Moyen-Âge, mais elle est importée d’Orient et coûte très cher. Son usage se démocratise à partir du XVIIIe, lorsqu’elle commence à être cultivée aux États-Unis. L’indigo fournit un bleu profond (le bleu du jean).

 

 

 

Pour obtenir des teintes jaunes

 

La gaude : plante connue depuis l’antiquité et très utilisée au cours du Moyen-Âge.

 

Le quercitron (ou chêne des teinturiers) : le pigment vient de l’écorce de l’arbre et a été utilisé en Europe jusqu’au XXe siècle.

 

D’autres fleurs permettent d’obtenir une teinture jaune : le genêt des teinturiers, la sarrette des teinturiers, l’anthémis des teinturiers, le safran, ou la camomille.

 

Le vert est obtenu à partir de teintures jaunes auxquelles on fait subir une oxydation.

 

 

Pour obtenir des teintes rouges

 

Garance : probablement la plante la plus connue pour les teintures. Les soldats de la Première Guerre mondiale lui doivent leurs magnifiques pantalons rouges, parfaits pour le camouflage. La garance est donc utilisée jusqu’au début XXe, tandis que ses origines remontent à l’antiquité.

 

Cochenille : un insecte dont la carapace donne la couleur vermillon. Il est connu depuis l’antiquité.

 

Pourpre : c’est le nom d’un mollusque, découvert dans l’antiquité, qui permet de créer ce pigment.

 

Orseille : lichen dont on extrait une teinture rouge tirant sur le violet.

 

 

D’autres plantes donnent une teinte rouge : l’orcanette des teinturiers, l’aspérule odorante (ou gaillet odorant), le carthame (plante connue depuis les Egyptiens et utilisée en Europe au cours du Moyen-Âge. Au XIXe, elle est appelée Carthamine), le fenugrec.

 

 

Pour obtenir des teintes brunes

 

Brou de noix : il s’agit de la chair qui entoure la coque de la noix. On en fait une pâte, qui permet de colorer en brun le bois, les cheveux, mais aussi les tissus.

Avec elle, on obtient des teintures dans les tons de bruns, ou de noir un peu passé

 

 

Note sur le noir

C’est une couleur difficile à obtenir, surtout si on cherche des nuances profondes. Pour teindre en noir, on utilise en général de l’écorce (aulne, noyer ou châtaigner), et on fait baigner le tissu dans un mélange avec du fer et du vinaigre. Mais ce procédé ne permet pas d’obtenir des noirs unis et profonds, et les couleurs ont tendance à vite passer.

 

Pour obtenir un noir vraiment noir, les teinturiers ont recourt à la noix de galle, ou graine de chêne à partir du XVe. Il s’agit d’une petite excroissance qu’on trouve sur les feuilles qui contient une larve, qui donne un pigment noir. Il faut beaucoup de noix de galle pour obtenir du noir, et donc, ce produit coûte extrêmement cher.

 

Voilà, vous savez à peu près tout sur les différents tissus, leurs caractéristiques, et comment on les teint. Les prochains articles traiteront de la mode à proprement parler, et comment on peut s’en inspirer pour enrichir un texte de fantasy.