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Même pas mort, Jean-Philippe Jaworski

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    Résumé

    Je m’appelle Bellovèse, fils de Sacrovèse, fils de Belinos. Pendant la Guerre des Sangliers, mon oncle Ambigat a tué mon père. Entre beaux-frères, ce sont des choses qui arrivent. Surtout quand il s’agit de rois de tribus rivales… Ma mère, mon frère et moi, nous avons été exilés au fond du royaume biturige. Parce que nous étions de son sang, parce qu’il n’est guère glorieux de tuer des enfants, Ambigat nous a épargnés. Là-dessus, le temps a suivi son cours. Nous avons grandi. Alors mon oncle s’est souvenu de nous. Il a voulu régler ce vieux problème : mon frère et moi, il nous a envoyés guerroyer contre les Ambrones. Il misait sur notre témérité et notre inexpérience, ainsi que sur la vaillance des Ambrones. Il avait raison : dès le début des combats, nous nous sommes jetés au milieu du péril. Comme prévu, je suis tombé dans un fourré de lances. Mais il est arrivé un accident. Je ne suis pas mort.

     

    Mon avis

    Après le coup de cœur Gagner la guerre, on repart en compagne de Jaworski, cette fois sur les terres celtes.

     

    Le pitch était très alléchant, je m’attendais à un départ en fanfare comme pour Gagner la guerre, et je dois dire que j’ai eu du mal à démarrer la lecture. Le livre commence par une adresse de Bellovèse, à une autre personne, à qui il va raconter sa vie. J’ai eu du mal à rentrer dans le style et à accrocher à l’histoire.

     

    Et puis, petit à petit, la magie s’est mise à opérer. J’ai beaucoup aimé la structure du livre, qui n’est pas linéaire. On commence avec Bellovèse sur l’île des jeunes, qui attend le jugement des gallicènes, et on repart dans le passé, pour découvrir ce qui a amené le jeune homme jusqu’à ce moment. Sauf que c’est plus compliqué que ça. Les retours en arrière s’entremêlent au présent et aux visions du futur. On pourrait avoir l’impression que le roman se perd, mais au final, toutes ces circonvolutions ont une logique. Le dénouement permet de lever le voile sur nombres de secrets abordés tout au long de l’histoire.

     

    La tonalité du roman reflète aussi cette construction complexe. Le roman un certain réalisme historique (Jaworski a dû faire pas mal de recherches pour arriver à faire exister aussi bien la vie quotidienne de deux garnements en exil au fin fond des terres de leur oncle). Les batailles sont décrites de manière assez sèche, la violence des guerriers est omniprésente. La société celte est dépeinte dans toute sa complexité, avec toutes ses traditions et ses interdits. Mais en parallèle, la magie est présente, par petites touches, qui laissent toujours planer un certain doute : les héros ont-ils rêvé les évènements, ou sont-ils réels ? À ce titre, Même pas mort m’a rappelé deux œuvres : Chien du heaume de Justine Niogret (pour ce mélange d’onirisme et de réalisme) et la forêt des Mythagos, de Robert Holdstock (pour la place réservée à la forêt et à ses habitants).

     

    Côté personnage, le traitement est intéressant. La narration à la première personne permet de voir Bellovèse à plusieurs étapes de sa vie. Le vieux Bellovèse (enfin, on suppose qu’il s’agit d’un homme âgé qui raconte sa vie), le jeune qui n’est pas mort dans la bataille, et le gamin qui passe son temps à arpenter la forêt et jouer des mauvais tours. Selon les époques de sa vie, la tonalité, la manière de percevoir les choses et de raconter n’est pas la même. Les autres personnages vus par Bellovèse sont aussi nuancés. Au fur et à mesure qu’il évolue et grandit, sa vision change. J’aime beaucoup le traitement de la mère, Danissa, princesse en exil, mère implacable, qu’on devine rongée par l’envie de vengeance. Ambigat, l’oncle de Bellovèse est un personnage qu’on devine bien plus ambigu que Danissa ne voudrait le faire croire. À la fin du roman, je me demande toujours dans quelle mesure c’est un monstre assoiffé de sang, et dans quelle mesure il est juste un chef d’État qui a tenté de prendre les moins mauvaises décisions.

     

    Niveau écriture, comme je l’ai dit, j’ai eu du mal à accrocher au début. Gagner la guerre était brillant parce que le style était à la fois recherché et très trivial. Même pas mort est plus verbeux pour moi, il y a beaucoup de mots rares, beaucoup de tournures alambiquées. Au bout d’un moment, on s’y habitue, et ça contribue au charme du livre, mais c’est un roman exigeant à lire. En gros, ne vous y attaquez pas si vous êtes fatigués et que vous voulez une lecture facile et distrayante.

     

    En résumé : Même pas mort n’égale pas le coup de cœur de Gagner la guerre, mais reste un bon roman, magnifiquement écrit, entre rêve et réalité. Vivement la suite !

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